Cet enfant au sourire si doux...
Rare le sourire.
Le peu de photos que j'ai encore de lui, celles que j'avais emportées avec moi à Tel-Aviv, montrent que cet enfant vivait dans son monde.
Son père était surdoué, on dirait bien que c'est héréditaire.
A l'époque du Goût, il lisait à la maternelle et déjà on avait demandé à sa mère si elle s'était rendue compte que son fils n'était pas vraiment normal ! Elle l'avait mal pris...
Je confirme, il n'est pas normal...
Mais la normalité n'existe pas.
On s'est contenté de lui faire sauter des classes.
Avec l'Ours, tout a été plus compliqué. Il a parlé très tôt, vers neuf mois, c'est inscrit sur sur carnet de santé.
Il a appris à lire seul et je ne m'en suis pas aperçue, honte à moi !
Je croyais qu'il connaissait ses "Tintin" par coeur.
Lorsque j'ai appris qu'il était surdoué, comme son père, j'ai refusé.
J'étais mariée avec le Goût, l'as des âneries, un seul surdoué par famille, ça suffit !
Je n'ai pas voulu le mettre dans une école pour "singes savants".
J'ai eu tort. A ma décharge, à l'époque on disait que si le don n'était pas cultivé, ça passait.
Eh bien non, ça ne passe pas...
Mettre un enfant surdoué dans une école primaire sans lui faire sauter de classes conduit l'enfant à s'ennuyer, à se refermer, à avoir des bulletins de notes idiots genre "Réussit sans effort" et à vivre de plus en plus dans son monde.
L'Ours vit toujours dans son monde, son père aussi.
Mais on ne m'a jamais dit que l'Ours était anormal.
C'est juste les enfants d'ouvriers qui sont anormaux, pas les enfants d'ingénieur et de libraire, eux sont surdoués...